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Chroniques d'une factrice
9 avril 2007

Le sacre du printemps

Par Bérangère 

   Elle serait là si belle, sa carcasse cuivrée luisant sous les premiers rayons.
   Elle serait là si chaude à rêvasser dans la tendresse d'une fin d'hiver.
   Elle serait là si mysterieuse, ses yeux gris caressant l'écume d'une mer verte aujourd'hui.

   Jeanna a troqué sa veste contre une robe qui moule merveilleusement son corps. Ses pieds se laissent aller à la promesse mouvante des sables. La nuit tombe et la mer descend. On dirait presque les larmes d'un enfants. Des vaguelettes roulent sur ses chevilles, les vaguelettes aimeraient être des choses qu'on fait jouir avec des pieds. Les vaguelettes connaissent bien Jeanna, ça fait plusieurs mois qu'elle n'est pas venue. Les vaguelettes savent que dans peu de temps Jeanna sera nue, son sexe gonflé éternuera deux ou trois fois. Les vaguelettes la caresseront comme jamais un homme ne saurait caresser une femme. Les vaguelettes savent des choses de la vie que les hommes ne savent pas, elles connaissent des choses dont les hommes n'ont aucune idée...
    Elle est là si belle et si langoureuse à attendre que la nuit la recouvre en entier, et quand le dernier rayon l'apercevra, il deviendra vert et abandonnera la belle à la fraîche écume.
    C'est son premier bain de mer, le froid l'a pénétrée assez froidement. La mer est à 14 degrés mais Jeanna nage à en perdre le souffle, elle nage longtemps vers le large, longtemps, c'est jusqu'à temps qu'un bateau de pêcheur ou autre, croise sa route.
    Quand ils font l'amour sur le pont, elle décide de l'appeller Carlos, il ne parle pas le français, ni aucune autre langue d'ailleurs, il est muet depuis que la grande faucheuse a embarquée sa femme. Il habite dans le coin, dans un camion, et pêche de temps à autres pour assurer une maigre pitance. Il est fort et agile, son oreille gauche est transpercée par un bel anneau d'argent. Ils se soulèvent l'un et l'autre au gré du roulis et éperonnent leur désir dans un ciel étoilé. Ils dorment un peu sous une vielle couverture qui sent le gasoil.
    Il rame à présent, il ramène Jeanna sur la grève, ils se promettent de se revoir un jour peut-être, au hasard de la vie. C'est qu'il est un peu comme elle Carlos, sauvage et généreux. Avant de la quitter, il lui offre sa vieille paire de rames et son sourire d'homme triste, elle lui répond d'un sourire lointain. Il sait qu'elle n'est déjà plus là et il est heureux pour elle. Elle pense à son homme idéal, un sourire d'homme triste et une belle paire de rames, c'est poétique et porteur d'un chemin de vie extraordinaire, et son homme idéal sera quelqu'un d'extraordinaire, et sa montgolfière d'amour sera la promesse de leurs deux vies...
    Elle a déjà hâte de ramer, tout là-haut dans le ciel...

   

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